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“Le bruit de l’eau. Discussions autour de la vallée de la Roya”, une BD d’A. Bujak et L. Bonneau

 

En octobre 2020, la vallée de la Roya, dans les Alpes Maritimes, a été dévastée par une violente inondation. Dix personnes ont perdu la vie et dix-huit autres n’ont pas été retrouvées. Des routes, des ponts et des bâtiments ont été détruits, ainsi que les réseaux d’électricité, d’eau potable et d’assainissement. En l’espace d’une nuit, la vallée a été plongée dans le chaos, tout comme, cette année, la vallée du Gier entre Givors et Saint-Étienne ou la région de Valence en Espagne.

 

 

Dans la bande dessinée Le bruit de l’eau. Discussions autour de la vallée de la Roya, Alain Bujak et Laurent Bonneau vont à la rencontre des habitants de la vallée, l’un muni de son appareil photo, et l’autre de son carnet à dessins. Ils rapportent notamment les témoignages de Mickaël, un éleveur de brebis, de David, un moniteur d’escalade et de canyoning, et de Remo, un homme plus âgé et fin connaisseur de l’histoire de la vallée. Leurs récits restituent leur vécu de la catastrophe et la manière dont elle a transformé les lieux,  tout en la réinscrivant dans une histoire plus longue des risques, parfois ignorée par les élus et les promoteurs immobiliers (comme dans le cas des permis de construire accordés dans un couloir d’avalanche, d’où a dévalé l’eau lors de la tempête). Des entretiens avec des chercheurs et des experts mettent en relation cet événement avec le changement climatique et abordent la question du travail d’adaptation que rendent nécessaire la plus grande fréquence et la plus grande violence de ces catastrophes.

 

 

Alain Bujak et Laurent Bonneau donnent également la parole à la Roya elle-même. Ce sont mêmes sur ses mots que s’ouvre la bande dessinée. Cette parole donnée au fleuve n’est pas simplement un procédé poétique, mais vise aussi à introduire une réflexion plus politique, qui est exposée à la fin du livre : celle qui consiste à faire de certaines entités naturelles des sujets de droits.

L’usage combiné de la photographie et du dessin fait toute la force de cette bande-dessinée. La variété des procédés graphiques employés permettent, dans des teintes vives, de restituer tout autant la violence de la catastrophe que la beauté des lieux, tandis que les photos, dans des teintes plus assourdies, montrent, plus froidement, ce qui a été détruit. Un point interroge, toutefois : ce sont principalement des paroles d’hommes qui ont été recueillies, qu’il s’agisse des habitants de la vallée ou des chercheurs. Comment comprendre que les femmes soient si peu présentes dans ce récit ? On aurait aimé que cette bande dessinée, qui entend explicitement contribuer à une mémoire du risque, fasse davantage entendre leurs points de vue. En effet, dans une société où la majorité des tâches domestiques (dont l’approvisionnement du foyer et l’éducation des enfants) restent assurées par les femmes, et où nombre de métiers relevant du care (infirmières, enseignantes, assistantes sociales, aides à domicile, etc.) sont exercés par les femmes, on peut supposer que celles-ci ont été plus particulièrement affectées par la catastrophe.


Image en Une : extrait du Bruit de l’eau.

La présentation de la BD par l’éditeur : ici.


OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Marc-Olivier Déplaude (19 novembre 2024). “Le bruit de l’eau. Discussions autour de la vallée de la Roya”, une BD d’A. Bujak et L. Bonneau. L'ESTIVE. Consulté le 17 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/12po4


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