“Plutôt nourrir. L’appel d’une éleveuse”, un livre de Noémie Calais et Clément Osé
Plutôt nourrir. L’appel d’une éleveuse (Tana Éditions, 2022) relate les échanges entre deux amis, Noémie Calais, éleveuse de porcs noirs bio dans le Gers, et Clément Osé, vivant sur une ferme collective dans le Béarn. Ils se sont connus lors de leurs études à Sciences Po et ont fait tous les deux le choix d’un retour à la terre après un début de carrière passé dans des entreprises internationales et des grandes villes. Tous deux partagent les mêmes préoccupations autour du changement climatique et des pollutions environnementales, ainsi qu’un même engagement pour rapprocher la société de la nature. Néanmoins, le choix qu’a fait Noémie d’élever des porcs “détonne chez les néo-ruraux en quête de bucolique”, indique Clément dans le premier chapitre. Car la jeune femme ne fait pas que nourrir et élever les cochons, elle réalise elle-même la découpe des carcasses, la transformation de la viande et la commercialisation des produits sur les marchés.
Écrit à deux mains, le livre alterne entre le récit que Clément fait de ses séjours à la ferme de Noémie et des extraits du journal que celle-ci tient pour consigner ses réflexions personnelles à propos de son métier. La ferme de Noémie est bien loin d’un élevage de porcs conventionnel : peu d’animaux sont élevés, ils vivent uniquement en plein air et sont d’une race ancienne issue du Sud-Ouest, le porc noir de Bigorre. De plus, Noémie fait partie d’un collectif fermier dans lequel d’autres agriculteurs bio pratiquent le maraîchage, la production de céréales, l’élevage de brebis et de chèvres, et commercialisent essentiellement en circuit court.
Le livre, court, parvient cependant à explorer une diversité de facettes du métier d’éleveur, traités à partir de l’expérience de Noémie : la dureté du travail, d’abord, avec les journées qui n’en finissent pas, la fatigue voire à certaines périodes l’épuisement physique, la ferme envahie de boue l’hiver, les incertitudes économiques; les plaisirs et les joies, aussi, avec le retour chaque année du printemps, l’attachement à des animaux aux caractères si différents, la satisfaction exprimée par les clients. D’autres sujets, plus polémiques, sont abordés, telle que la question de la mort de l’animal dans nos sociétés contemporaines, le juste prix de l’alimentation pour l’homme, les règlementations sanitaires.
À de nombreuses reprises, le livre met en avant “la force du collectif” qui soutient Noémie, pour faire face aux écoulements de boue liés à des averses orageuses, pour planter des arbres sur ce territoire, ou plus simplement donner des coups de main ponctuels. Mais la solitude de l’éleveuse apparaît aussi à certains moments, par exemple lorsqu’une associée pressentie renonce finalement à rejoindre la ferme.
J’avoue avoir été quelque peu méfiante lorsque j’ai eu la première fois ce livre entre les mains, tant sont nombreux les témoignages idéalisés de paysans néo-ruraux. Mais mon a priori a disparu dès la lecture des premières pages. Noémie ne cache rien des difficultés qu’elle rencontre dans son projet agricole, Clément cherche sincèrement à comprendre le sens de la démarche, et à réinterroger ses propres convictions écologistes. Au prisme de l’expérience de la jeune femme, ils abordent une pluralité de sujets d’actualité en lien avec le métier d’éleveur et sa place dans notre société. A la fin de la lecture, on a envie des les rencontrer pour poursuivre la discussion avec eux.
Pour en savoir plus sur Noémie Calais, son activité d’éleveuse de porcs et aussi son actualité en lien avec le livre, c’est ici. Le livre a été réédité en poche (Pocket, 2024).
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Florence Hellec (31 janvier 2025). “Plutôt nourrir. L’appel d’une éleveuse”, un livre de Noémie Calais et Clément Osé. L'ESTIVE. Consulté le 29 avril 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/137sg